Consommation « Marque préférée des Français », « Service client de l’année »... Que valent vraiment ces récompenses ?
De nombreuses distinctions sont décernées chaque année à des produits, enseignes et entreprises, sans que l’on sache toujours ce qu’elles récompensent et de quelle manière. On fait le point.
Des rayons de supermarché aux spots télévisés, impossible de passer à côté. On ne compte plus le nombre de prix qui distinguent la marque préférée des Français, le service client, le produit ou encore la saveur de l’année. « Cette démarche de labellisation s’est beaucoup développée des dernières années », nous confirme Fabienne Chameroy, vice-doyenne de la faculté d’économie et de gestion d’Aix-Marseille. Mais si les consommateurs ont l’habitude de croiser ce genre de logos, « ils ne savent pas très bien ce qui se cache derrière », observe cette spécialiste du sujet.
Ainsi, de nombreux internautes ont été surpris quand ils ont reçu, fin novembre, un mail de SNCF Connect se félicitant d’avoir été « élu service client de l’année 2024 ». Même 60 Millions de consommateurs « a cru à une blague ». Alors, peut-on se fier à toutes ces certifications qui visent à gagner la confiance du consommateur ?
Les logos rapportent gros
D’abord, les « labels » privés ne sont pas attribués à n’importe qui. Pour pouvoir prétendre à ces prix, il faut souvent s’acquitter de frais d’inscription et toujours payer les droits d’exploitation commerciale du logo décerné. Comptez entre 10 000 et 45 000 euros selon la taille de l’entreprise et le concours visé. Ce qui représente un joli pactole, sachant qu’il existe des dizaines de catégories par logo, soit autant de lauréats.
« On est une entreprise commerciale, on ne s’en cache pas », relève Philippe Gelder, le PDG de la société derrière le logo « Élu produit de l’année », qui distingue les produits innovants dans 45 pays. D’ailleurs, « ce n’est pas parce que la certification est réalisée par des entreprises privées qu’elle n’est pas sérieuse », souligne Fabienne Chameroy.
Des méthodologies diverses et variées
Comme ses concurrents, la récompense « Marque préférée des Français » défend « une méthodologie robuste et incontestable ». En l’occurrence, elle s’appuie sur des enquêtes de satisfaction « menées par un institut d’études externe » pour « identifier, récompenser et valoriser les marques », explique Benjamin Fagot, son directeur associé. Ce qui « ne révèle pas une qualité particulière du produit ou du service », pointe Fabienne Chameroy.
Le concours « Élu produit de l’année » s’en remet lui aussi à « un institut neutre et indépendant » pour mener des évaluations de produits auprès d’un panel de consommateurs et un test en situation réelle. Du côté de la « Meilleure chaîne de magasins de l’année », ce sont les clients qui ont le dernier mot, puisqu’ils votent directement en ligne. Pascal Lescouzeres, le directeur général derrière ce concours, assure que ses équipes sont attentives aux bourrages d’urnes : « On a éliminé une enseigne parce qu’elle avait voté avec des adresses mail jetables », nous dit-il.
Quant à l’élection du « Service client de l’année », elle repose sur la réalisation de tests clients mystères fondés sur « des critères objectifs » et des « scenarii qui reflètent les demandes quotidiennes », détaille son fondateur Ludovic Nodier. Il admet toutefois être « obligé » de limiter les tests aux questions les plus courantes, « qui représentent 80 % des flux », excluant de fait les plus complexes. Ces logos agissent aujourd’hui « comme des garanties » aux yeux des consommateurs, en leur permettant de « distinguer un produit d’un autre », note Fabienne Chameroy. L’enseignante-chercheuse déplore le « déficit d’information » sur ces différents outils marketing, qui ne sont pas encadrés, contrairement aux célèbres Label rouge, bio ou AOP.
Quel logo pour quoi ?
Née en 2015, la « Marque préférée des Français » compare les principales marques qui interviennent dans une même catégorie. Le lauréat est désigné pour deux ans au terme d’une étude sectorielle sur un panel représentatif de 1 000 Français, menée par l’institut OpinionWay. Les marques récompensées sont celles qui ont récolté le plus de “j’aime”. Un écart significatif – qui « varie généralement entre 1 et 3 % » selon Benjamin Fagot – est nécessaire pour l’emporter.
L’élection du « Service client de l’année » distingue depuis 2007 « l’entreprise qui est la mieux disante dans son univers de consommation en matière de relations clients », récite Ludovic Nodier. Selon lui, environ 200 entreprises candidatent chaque année. Toutes sont soumises pendant huit semaines à 205 tests menés par des clients mystères recrutés via des « panels », « la presse » ou encore « le web ». Ils sont réalisés par téléphone (50 % de la note), emails et/ou formulaires (30 %), via la navigation internet (10 %), sur Facebook (5 %) ou sur les conversations par chat (5 %). Pour être élu, il faut avoir obtenu la note la plus élevée de sa catégorie et que celle-ci soit égale ou supérieure à 12/20.
L’élection du « Produit de l’année », créée en 1987, récompense les produits innovants présents sur le marché depuis maximum 24 mois. Un comité d’experts « valide et contrôle la méthodologie » du concours, qui fait appel à NielsenIQ pour évaluer les produits candidats dans les différentes catégories, en comparaison à des produits similaires. Les notes sont attribuées à partir des réponses formulées lors d’une étude de perception par « plus de 15 000 consommateurs », dont au moins « 500 » utilisateurs directement concernés, mais aussi en fonction d’un test produit en situation réelle réalisé auprès de 120 familles. Le score du gagnant doit être supérieur aux autres participants ou à la moyenne de la catégorie s’il est seul à concourir. Il y a « plus d’une centaine de candidats » chaque année, pour « une soixantaine de lauréats », glisse Philippe Gelder.
Les trophées de la « Meilleure chaîne de magasins de l’année », du « Meilleur e-commerçant de l’année » et de la « Meilleure franchise de l’année » distinguent les enseignes qui ont récolté le plus d’évaluations favorables lors d’un vote en ligne ouvert à tous les consommateurs. Les notes attribuées sont pondérées selon une dizaine de critères. Pour être éligible, les enseignes – « entre 200 à 300 participent activement » d’après Pascal Lescouzeres – doivent obtenir un minimum de 150 votes. Lors de la dernière édition, plus de 900 000 votes « qualifiés » ont été enregistrés.
La marque des « Saveurs de l’année » (*) s’est fixée pour objectif de certifier « les qualités gustatives » des produits alimentaires. Pour cela, elle organise dans des laboratoires spécialisés des tests gustatifs à l’aveugle. Son site internet ne précise pas si le jury de 60 consommateurs compare des produits similaires entre eux ou juste le produit candidat. Les résultats sont ensuite pondérés en fonction de la qualité nutritionnelle et du niveau de transformation du produit, ainsi qu’en fonction de la recyclabilité. Les « actions liées à une alimentation plus durable » sont aussi bonifiées. Pour être proclamé lauréat, un produit doit obtenir une note supérieure à 14/20 et être le meilleur dans sa catégorie.
(*) Contactée, la marque des « Saveurs de l’année » ne nous a pas répondu dans les délais impartis à la rédaction de cet article.